En 2018, nous avons assisté à l’effondrement de 3 immeubles vétustes à Marseille. À cet événement s’ajoute la précarité des ménages en matière d’habitat et les « marchands de sommeil » poussant le gouvernement à réagir. Précédée par la loi ALUR en 2014, la loi ELAN entre en vigueur 4 ans plus tard. L’objectif est d’accélérer et faciliter les actions de mise en conformité des logements par les propriétaires et collectivités en prévoyant des sanctions plus dures envers les contrevenants. Car si les populations les plus vulnérables sont aujourd’hui mieux protégées, le rapport annuel 2022 de la Fondation Abbé Pierre sur l’état du mal-logement en France recense environ 600 000 logements indignes. Comment définir un logement indigne, exposant les professionnels de la location comme vous à de lourdes conséquences ? Dans cet article, nous passons en revue ce qui qualifie un habitat d’indigne, les risques encourus par les différents protagonistes louant un logement de cette nature, et surtout, comment gérer un tel bien.
Comment définir un logement indigne ?
La notion de logement indigne regroupe au sens large toutes les situations d’habitat utilisés à des fins d’habitation non prévus à cet effet ou susceptibles de porter atteinte à la dignité, à la santé et à la sécurité des occupants, ainsi qu’à la salubrité publique.
Cette notion englobe :
- les immeubles, logements et locaux insalubres ;
- les locaux présentant un risque pour la santé des occupants comme le saturnisme (exposition au plomb); l’intoxication au monoxyde de carbone, le risque d’électrocution, etc. ;
- les logements ou immeubles menaçants, en ruine ou visés par une procédure de péril ;
- les hôtels meublés dangereux ;
- les habitats précaires, sur-occupés.
Un logement qui présente une de ces caractéristiques est considéré comme indigne. Donc impropre à la location.
L’instauration du permis de louer
Par son décret d’application du 19 décembre 2016, la Loi ALUR a instauré un permis de louer. Il est obligatoire uniquement dans certains secteurs géographiques où ont été identifiés plusieurs logements ou ensembles immobiliers indignes. La mise en location d’un bien doit alors faire l’objet d’une déclaration ou d’une autorisation préalable. Elle permet aux collectivités de vérifier la qualité des logements en amont.
En 2022, on recense environ 460 communes concernées par le permis de louer. Vous pouvez vérifier l’éligibilité de votre commune sur le site internet de la Mairie dont dépend le logement ou vous inscrire à une alerte automatique.
Les 4 piliers de la loi ELAN
Promulguée en 2018, la loi ELAN a, quant à elle, prévu plusieurs dispositions pour lutter plus efficacement contre l’habitat indigne. Elle a durci les sanctions envers les propriétaires sans scrupules (plus communément appelés « marchands de sommeil »), reposant sur 4 fondements, nommés « piliers ».
Certains « marchands de sommeil » ne s’embarrassent pas des critères de décence obligatoires édictés par la Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 relative aux rapports locatifs. Pour mettre en location leur logement, ils n’hésitent pas à exploiter la détresse de personnes vulnérables, souvent en situation de grande précarité. Ils louent très cher un bien indigne, exposant les locataires à de graves dangers :
- insalubrité ;
- suroccupation ;
- etc.
Parfois, les propriétaires de logements en copropriétés contribuent à leur dégradation en ne s’acquittant pas de leurs charges. Ils peuvent louer des maisons dans des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine. C’est pourquoi, le Gouvernement durcit les sanctions à leur encontre. Quels sont les risques encourus à gérer un logement indigne ?
Quels sont les risques de mettre un logement indigne en location ?
Lorsqu’un logement indigne est proposé à la location, le propriétaire comme le gestionnaire locatif risquent de lourdes sanctions. Elles diffèrent qu’il s’agisse du propriétaire en qualité de bailleur ou du professionnel de l’immobilier qui en a la gestion. S’appuyant sur les dispositions de la Loi ALUR et des fondements du Pilier 3 de la Loi ELAN, voyons en détails les dispositions sont prévues.
Les sanctions pour le propriétaire
Un propriétaire louant un logement indigne encourt les peines suivantes :
- Sanctions financières : l’article L511-22 du code de la construction et de l’habitation prévoit une amende de 100 000 € et une peine de 3 ans d’emprisonnement.
- Confiscation des biens.
- Interdiction d’acquérir un bien pendant 10 ans : lors de la signature de l’acte authentique de vente, le notaire est tenu de vérifier que le vendeur et l’acquéreur ne sont pas visés pénalement par cette interdiction via un extrait de leur casier judiciaire. Le cas échéant, la vente est nulle. Cette sanction n’est pas applicable en cas d’acquisition d’un bien à des fins d’occupation personnelle du propriétaire, mais il devra en attester.
Dans les zones concernées par le permis de louer en cas de mise en location d’un logement indigne, les propriétaires risquent les sanctions suivantes :
- jusqu’à 5 000 € d’amende en l’absence de déclaration de mise en location ;
- jusqu’à 15 000 € d’amende en cas de nouvel oubli d’effectuer la demande dans les 3 ans ;
- 15 000 € d’amende en cas de mise en location alors que l’autorisation a été refusée.
En revanche, il n’y a aucun impact sur le bail dont bénéficie le locataire, qui reste valide.
Les risques pour le mandataire chargé de la gestion du logement indigne
Le mandat de gestion locative est déterminé par la loi du 2 janvier 1970, dite Hoguet, et son décret d’application du 20 juillet 1972. Il dépend du régime général du contrat de mandat, établi aux articles 1984 et suivants du Code civil.
Toute personne mandatée pour la gestion d’un bien, physique ou morale, est tenue d’informer et de conseiller. Elle doit délivrer l’ensemble des informations de nature à influer sur la décision de l’acquéreur ou du locataire.
Le bailleur comme le mandataire ont pour obligation de remettre au locataire un logement décent ne laissant apparaître aucun risque pouvant porter atteinte à sa sécurité physique ou à la santé. La Loi ELAN engage la responsabilité des gestionnaires, administrateurs de biens et syndics. Ils peuvent faire l’objet de sanctions s’ils ne signalent pas au Procureur de la République les faits susceptibles de constituer une infraction en matière d’habitat indigne. Ils doivent prévenir les autorités compétentes, en contactant l’Agence départementale d’information sur le logement (ADIL), par exemple.
RETOUR D’EXPÉRIENCE DE CÉLINE MONTOIS
En 2016, le cas d’un mandataire ayant en charge la gestion d’un logement indigne a fait jurisprudence. Celui-ci avait loué un appartement présentant une exposition au plomb avérée en parfaite connaissance de cause. Il a exposé une famille et son bébé à un très fort risque d’intoxication.
La cour de cassation a annulé l’arrêt de la cour d’appel, qui refusait d’indemniser la famille en rappelant que l’obligation de remettre un logement décent et ne comportant pas de risque pour la sécurité des occupants « incombe au bailleur autant qu’à son mandataire, dès lors que ce dernier est contractuellement en charge de la gestion de l’immeuble ».
Un mandataire engage donc sa responsabilité en cas de mise en location d’un logement indigne. Il peut être soumis aux mêmes sanctions que le propriétaire du bien dont il a la gestion.
Comment gérer un bien qui serait devenu indigne ?
Un locataire vous a contacté pour vous faire part de problèmes d’insalubrité ? Ou à l’occasion de votre dernière visite, vous avez constaté des signes manifestes de délabrement de l’immeuble ? Agissez sans tarder.
Qui prévenir en cas de problème d’insalubrité ?
La première étape est d’informer le propriétaire, le Syndic, puis prévenir les services d’urbanismes de la Mairie dont dépend le logement ou l’immeuble. Le Maire, le Préfet ou l’intercommunalité sont chargés d’identifier les désordres, et de mener les procédures.
Une fois les désordres détectés, les procédures conduisent à la prise d’arrêtés par le maire ou le préfet, selon les causes de l’indignité. Ces arrêtés visent à imposer la réalisation de travaux et le relogement ou l’hébergement temporaire des occupants dans un délai déterminé.
Les dispositions des lois ALUR et ELAN
Lorsque l’autorité publique compétente signifie l’arrêté de police au propriétaire, elle lui impose des prescriptions et l’informe qu’en cas de non-réalisation de celles-ci, le propriétaire s’expose au paiement d’une astreinte administrative. Un processus instauré par la loi ALUR (art. 79) allant à l’encontre des propriétaires de logements indignes ou exploitants d’hôtels meublés indélicats. Les nouvelles dispositions prévues par la loi ELAN (art. 194) l’ont désormais généralisée et rendue systématique. L’objectif est d’exercer une pression financière sur le destinataire de l’arrêté de police pour qu’il réalise les mesures prescrites : réalisation de travaux, hébergement ou relogement des occupants.
L’astreinte journalière est fixée à 1 000 € lorsque le bâtiment menaçant ruine est à usage principal d’habitation et en instaurant un plafond de 500 € lorsqu’il ne l’est pas. Si le propriétaire ne réalise pas les mesures prescrites dans le délai imparti, le maire ou le préfet est en droit de les réaliser d’office, on parle alors de travaux d’office. Ils sont réalisés aux frais du propriétaire. Un arrêté de péril peut concerner un ou plusieurs logements, les parties communes d’un immeuble ou l’immeuble entier.
Enfin, concernant le permis de louer, dans le cadre de leur mission de conseil, il est recommandé aux gestionnaires et syndics officiant sur des zones géographiques concernées d’en informer leurs clients bailleurs. Il n’y a toutefois aucun caractère obligatoire.
Pour aller plus loin, vous pouvez contacter un conseiller sur le logement (ADIL) grâce au numéro « info logement indigne » : 0806 706 806
Lorsqu’un logement indigne est détecté au sein de votre parc locatif, soyez réactif pour que des travaux soient rapidement entrepris par le propriétaire. Vous pouvez l’accompagner en le mettant en relation avec des professionnels et des artisans du bâtiment qui travaillent habituellement pour vous. Car nous le savons, créer son réseau n’est pas chose facile. Cela fait partie des tâches que gestionnaires détestent et qui sont indispensables pour optimiser sa gestion locative.
Article rédigé par Céline Montois, gestionnaire immobilier